Travaux controversés sur l'antisémitisme et l'extrême droite au Québec
Intitulée Antisémitisme et nationalisme d'extrême-droite dans la province de Québec 1929-1939, sa thèse de doctorat en sciences politiques a été déposée à l'Université Laval en 1992[2]. Elle paraît en livre sous le titre Le Traître et le Juif la même année. Sa position sur les sympathies fascistes et antisémites de Lionel Groulx suscite un intense débat médiatique au début des années 1990[3],[4],[5],[6],[7]. L'auteure précise sa position en janvier 1992[8]. Le débat est si important que la direction du programme de doctorat doit nier publiquement l'existence d'un « blocus institutionnel » au sein de l'université[9]. Les informations ont d'abord été relayées par le magazine L'actualité[1].
Dans le sillage de cette affaire, l'essayiste a également demandé que la station de métro Lionel-Groulx soit renommée pour ne pas laisser un héritage antisémite à la ville de Montréal.
Ses analyses sur la personne de Groulx ont été nuancées, voire très critiquées. En effet, plusieurs historiens québécois considèrent que le caractère nationaliste du célèbre chanoine n'était qu'un aspect de sa personnalité complexe. L'association par Delisle de Groulx au fascisme était quelque peu hâtive et peu nuancée. L'association implicite entre le prétendu racisme de Groulx et le racisme du nationalisme québécois moderne a été jugée comme un raccourci douteux, mais a été abondamment relayée par la presse anglophone. Irving Abella, Gérard Bouchard, Gary Caldwell, Luc Chartrand, René Durocher, Jacques Langlais et Jean-François Nadeau ont adressé des répliques à Esther Delisle. L'écrivain Pierre K. Malouf a répliqué aux détracteurs d'Esther Delisle, dans un texte intitulé "L'Effet Delisle". L'historien Gérard Bouchard, dans sa lettre du 1er mai 2003, a noté que 44 des 58 citations de Groulx utilisées par Esther Delislse contenaient 56 erreurs, dont des ajouts et des amputations qui en changeaient le sens. Esther Delisle a reconnu par la suite que certaines de ces citations étaient effectivement erronées.
À travers ses recherches, Delisle a également montré l'influence qu'avait le journal Le Devoir sur l'extrême droite de l'époque. Elle en conclut que le dirigeant fasciste Adrien Arcand n'avait presque aucun appui chez les élites nationalistes.
Le traître et le juif: Lionel Groulx, Le Devoir, et le délire du nationalisme d'extrême droite dans la province de Québec (1929-1939), Outremont, L'Étincelle, 1992. Trad. anglaise: Anti-semitism and extremist right-wing nationalism in French Canada from 1929 to 1939, preface de Ramsay Cook, Westmount, Robertson Davies publishing, "Food for Thought", 1993
Myths, memory & lies. Quebec's intelligentsia and the fascist temptation (1939-1960), Westmount, Robertson Davies multimedia, 1998 ; version française: Mythes, mémoire et mensonges : l'intelligentsia du Québec devant la tentation fasciste (1939-1960), traduit de l'anglais par Madeleine Hébert, Westmount, Éditions Multimédia Robert Davies, 1998
Essais sur l'imprégnation fasciste au Québec, postface de Pierre K. Malouf, "L'effet Delisle", Montréal, Éditions Varia, "Histoire et société", 2002
(Avec Pierre K. Malouf), Le Quatuor d'Asbestos: autour de la grève de l'amiante, Montréal, Éditions Varia, "Histoire et société", 2004
Références
Gérard Bouchard, "Réplique à Esther Delisle - À propos des deux chanoines", dans Le Devoir, 1er mai 2003.
Luc Chartrand, "Le mythe du Québec fasciste", dans L'Actualité, vol. 22, no 3, 1er mars 1997.
Francine Dubé, "Exposing Quebec's Secret", dans National Post, 27 avril 2002.
Gérald Leblanc, "Le chanoine et les Juifs", dans La Presse, 30 mars 2003.
Jean-François Nadeau, "Esther Delisle et l'abbé Lionel Groulx: une recherche incomplète et partiale", dans La Presse, 3 juin 1993.
Sarah Scott, "The Lonely Passion of Esther Delisle", dans Elm Street, avril 1998.
↑Jean-Claude Dupuis, « Hommage non mérité. Le Traître et le Juif ne répond pas aux exigences de l'histoire et ne peut donc pas servir de base à la discussion », Le Devoir, , A7 (lire en ligne)
↑Esther Delisle, « Débat sur Lionel Groulx: Esther Delisle s'explique », La Presse, , B3 (ISSN0317-9249, lire en ligne)
↑Jean Crête, « Pas de blocus contre Esther Delisle », L'Actualité, , p. 4