CyclodextrineUne cyclodextrine (dite parfois cycloamylose) est une molécule-cage ou cage moléculaire d’origine naturelle qui permet d’encapsuler diverses molécules[1]. Les cyclodextrines se rencontrent aujourd'hui dans un grand nombre de produits agroalimentaires et pharmaceutiques et sont donc l’objet de nombreuses recherches scientifiques. GénéralitésDescriptionUne cyclodextrine est un oligomère (oligosaccharide) cyclique composé de n chaînons glucopyranose C6H10O5 liés en α-(1,4), d’où la formule brute (C6H10O5)n. Pour les cyclodextrines typiques les valeurs de n sont égales à 6, 7 ou 8. Mais d'autres cyclodextrines ont des valeurs de n plus élevées, de l'ordre de 10 à 30 ou même plus. Les plus grandes de ces molécules sont dites « cyclodextrines géantes »[2], et perdent les propriétés de molécules-cages. On utilise généralement le terme de cycloamyloses pour ces cyclodextrines qui tendent à se rapprocher de l'amylose. Cet oligomère en chaîne ouverte possède un grand nombre n de chaînons C6H10O5. On note l'analogie de structure entre : d'une part les trois cyclodextrines typiques et l'amylose, et d'autre part les trois cycloalcanes (CH2)n avec n = 6, 7 ou 8 et le polyéthylène (CH2)n avec n très grand. Découverte et propriétésUne première cyclodextrine a été isolée et cristallisée en 1891 par Antoine Villiers-Moriamé[3] comme sous-produit très minoritaire de la dégradation de l'amidon par la bactérie Bacillus amylobacter. La composition chimique qu'il a mesurée est bien celle d'une cyclodextrine mais la solubilité mesurée dans l'eau (13 g/L à 15 °C) était trop faible pour lui permettre d'en déduire la masse molaire par cryoscopie. Cette solubilité correspond bien à celle de la β-cyclodextrine. Au début des années 1900 Schradinger[4] isole la bactérie Bacillus macerans qui dégrade l'amidon en fournissant des cyclodextrines avec un rendement de 25-30% et il cristallise les α- et β- cyclodextrines[5]. On montrera plus tard que d'autres bactéries (ex : Alkalophylic bacillus[6]) font de même. Les cyclodextrines sont encore aujourd'hui principalement produites par dégradation enzymatique de l'amylose (fraction linéaire de l'amidon)[7]. Trois familles sont principalement utilisées ou étudiées les α-, β- et γ-cyclodextrines formées respectivement de 6, 7 et 8 chaînons C6H10O5.
De nombreux dérivés peuvent être obtenus à partir des cyclodextrines naturelles : les groupements hydroxyles des unités glucopyranose peuvent être aminés, estérifiés ou éthérifiés. La synthèse de ces dérivés a souvent pour but d'obtenir une bonne solubilité. Parmi les plus étudiés on trouve des dérivés de la β-cyclodextrine (βCD, naturelle, en anglais native) : l'hydroxypropyl-β-cyclodextrine (HPCD) et la Randomly-methyled-β-cyclodextrine (Rameβ-CD).
ToxicitéEn général les cyclodextrines et leurs dérivés hydrophiles sont considérés comme pratiquement non toxiques en administration par voie orale. En effet ces molécules ne diffusent quasiment pas au travers des membranes biologiques et ne sont pas absorbées lors du transit intestinal (DL50 oral, rat 18 800 mg/kg pour la β-cyclodextrine, d'après MSDS). Ainsi dans un rapport de 1995, fondé sur celui de 1993, l’OMS (Joint FAO/WHO Expert committee, 1993, 1995), donnait une Dose Journalière Admissible de 5 mg par kg de masse corporelle pour la βCD, fondé sur une dose sans effet nocif (NOEL) de 1,25 % dans le régime alimentaire chez le chien (coefficient de sécurité de 200). La FDA (Food and Drugs Agency) autorise son utilisation comme additif alimentaire à hauteur de 0,5 à 2 % selon les produits. La BCD est ainsi utilisée dans l’industrie agro-alimentaire comme additif alimentaire (E459). Ces molécules peuvent être considérées comme éco-compatibles et se dégradent dans le milieu naturel. Toutefois la cyclodextrine naturelle se dégrade plus facilement que les cyclodextrines modifiées : 82 % de biodégradation de la BCD en 28 jours mais seulement 9 % pour la HPCD et 9 % pour la MCD. Propriétés remarquablesLes cyclodextrines possèdent une structure en tronc de cône, délimitant une cavité en leur centre. Cette cavité présente un environnement carboné apolaire et plutôt hydrophobe (squelette carboné et oxygène en liaison éther), capable d'accueillir des molécules peu hydrosolubles, tandis que l'extérieur du tore présente de nombreux groupements hydroxyles, conduisant à une bonne solubilité (mais fortement variable selon les dérivés) des cyclodextrines en milieu aqueux. On remarquera que la β-CD naturelle est près de dix fois moins soluble que les α-CD et γ-CD naturelles: en effet, toutes les cyclodextrines présentent une ceinture de liaisons hydrogène à l'extérieur du tore. Il se trouve que cette "ceinture" est bien plus rigide chez la β-CD, ce qui explique la difficulté de cette molécule à former des liaisons hydrogène avec l'eau et donc sa plus faible solubilité en milieu aqueux. Grâce à cette cavité apolaire, les cyclodextrines sont capables de former des complexes d'inclusion en milieu aqueux avec une grande variété de molécules-invitées hydrophobes. Une ou plusieurs molécules peuvent être encapsulées dans une, deux ou trois cyclodextrines. La formation de complexe suppose une bonne adéquation entre la taille de la molécule invitée et celle de la cyclodextrine (l'hôte). « Il se produit de manière non-covalente à l’intérieur de la cavité grâce, soit à des liaisons hydrogène, soit des interactions électroniques de Van der Waals »[6]. L'intérieur de la cavité apporte un micro-environnement lipophile dans lequel peuvent se placer des molécules non polaires. La principale force provoquant la formation de ces complexes est la stabilisation énergétique du système par le remplacement dans la cavité des molécules d'eau à haute enthalpie par des molécules hydrophobes qui créent des associations apolaires-apolaires. Ces molécules invitées sont en équilibre dynamique entre leur état libre et complexé. La résultante de cette complexation est la solubilisation de molécules hydrophobes très insolubles dans la phase aqueuse. Ainsi les cyclodextrines sont capables de complexer en milieu aqueux et ainsi de solubiliser les composés hydrophobes (la polarité de la cavité est comparable à celle d'une solution aqueuse d'éthanol). Les cyclodextrines sont de plus capables de créer des complexes de stœchiométries différentes selon le type de molécule invitée: plusieurs CD peuvent complexer la même molécule ou plusieurs molécules peuvent être complexées par la même CD. Il est d'usage de noter (i:j) la stœchiométrie du complexe, où j indique le nombre de CD impliquées et i le nombre de molécules complexées. Remarquez que les variations autour de ces stœchiométries sont très vastes, les complexes les plus courants étant les (1:1), (2:1) et (1:2), mais des complexes (3:4) ou encore (5:4) existent! Cas particulier des dimères de cyclodextrinesIl a été publié récemment que certains dimères de cyclodextrines peuvent subir une étrange déformation dans l'eau. En effet, l'unité glucopyranose porteuse du groupement "linker" peut pivoter sur 360° permettant ainsi la formation d'un complexe d'inclusion entre la cyclodextrine et le groupement hydrophobe[11]. UtilisationsEn pharmacologie et pharmacie galéniqueLes cyclodextrines sont couramment utilisées comme excipient de formulation dans les médicaments. Elles permettent notamment de transformer des composés liquides en solides (poudres, comprimés) par précipitation des complexes d’inclusion. De nombreux médicaments sont composés de molécules hydrophobes, ce qui ne permet pas de les utiliser en solution injectable, et peut poser des problèmes d'assimilation par voie orale lors de la digestion. La complexation des principes actifs permet de mieux contrôler leur passage dans le système sanguin ou la progressivité de leur diffusion. Une autre application est le traitement par voie sub-linguale. La complexation des principes actifs photosensibles ou très réactifs permet souvent de les protéger ou de les stabiliser. Elles peuvent aussi être utilisées dans des prothèses internes pour libérer de manière prolongée un médicament : ainsi, un laboratoire du CNRS (l'UMET de l'Université de Lille I) a réussi à utiliser des cyclodextrines sur des stents actifs en alliage Cobalt-Chrome (CoCr) couverts d'un polymère à base de cyclodextrines hydrophiles, biocompatibles et biodégradables jouant le rôle d'un réservoir de médicaments lipophiles et permettant la libération prolongée de médicaments anti-prolifératifs ; de la polydopamine (PDA), un biopolymère qui est un puissant adhésif (utilisé par les moules[12]) a été appliqué en couche fine sur la partie métallique du dispositif (CoCr) permettant ensuite d'y ancrer fortement un polymère de cyclodextrine généré "in situ" à partir de cyclodextrines méthylées et d'acide citrique comme agent de réticulation lors d'une réaction de polycondensation [13]. La sécurité et la durabilité d'usage des stents actifs pourraient ainsi être améliorées en diminuant le risque de thrombose qui jusqu'alors persistait à long terme[14]. La même « colle » (bioinspirée de la colle biologique produite par le byssus des moules pour adhérer à leur support) pourrait permettre d'utiliser à l'intérieur d'un organe ou organisme des nanoparticules magnétiques associées à un biocide antibiotique efficace mais toxique (nanoargent par exemple) mais récupérable (au moyen d'un aimant) après l'avoir laissé agir quelques heures[15]. En agroalimentaireL'industrie agroalimentaire se sert communément (et depuis plus de 20 ans au Japon) des cyclodextrines comme exhausteur de goût en permettant un ajout facile de composés gustatifs ou pour fixer des molécules trop volatiles et prolonger par exemple la durée gustative des chewing-gums. Elles sont aussi utilisées pour au contraire enlever certaines molécules indésirables, notamment pour réduire les taux de cholestérols ou de composés amers des plats cuisinés. Les cyclodextrines sont aussi employées pour stabiliser des émulsions comme la mayonnaise ou même les margarines. En chimie analytiqueLes cyclodextrines sont de plus en plus utilisées en chimie analytique, notamment en HPLC (Chromatographie en phase Liquide Haute Performance), comme greffe sur la phase stationnaire (silice en général). L'emploi de cyclodextrine permet de changer l’affinité des composés à analyser pour la phase stationnaire, et donc de modifier leur temps de rétention. Les cyclodextrines permettent aussi la séparation d'énantiomères grâce à leurs propriétés de sélecteur chiral. Une propriété remarquable des cyclodextrines est qu'en complexant certaines molécules photosensibles, elles exaltent leur capacité de réponse à l'excitation (fluorimétrie notamment). En dépollution des solsLes cyclodextrines présentent des caractéristiques intéressantes pour être utilisées en dépollution des sols :
Cet usage potentiel fait l'objet de recherches, avec deux voies principales explorées : la bioremédiation et l'extraction. La première approche est étudiée depuis les années 1980, tandis que la seconde a émergé dans les années 1990.
En métallurgieExtraction de l'or du minerai brut (ou sa récupération dans les éléments électroniques mis au rebut), sans risque de pollution de l'environnement.
Ce procédé a été découvert par Zhichang Liu de l'équipe de James Fraser Stoddart et auteur principal d'une étude publiée en 2013 dans la revue Nature Communications[16]. Il a mélangé le contenu de deux tubes à essai : l'un contenait de l'α-cyclodextrine, l'autre une solution contenant de l'or, et obtenu ainsi des minuscules aiguilles dans le mélange, constituées par un assemblage de quelque 4000 nano-fils d'ions d'or, maintenus par des atomes, de l'eau et de la cyclodextrine, triant cet or des autres métaux précieux présents dans le minerai, tels que le palladium ou le platine.
Autres usages
Notes et références
Voir aussiArticles connexesLiens externesBibliographie
Information related to Cyclodextrine |
Portal di Ensiklopedia Dunia