La Manche est classiquement divisée en trois grands secteurs : Manche occidentale[1], centrale et Manche orientale[2].
La Manche (en anglaisEnglish Channel, en bretonMor Breizh[3], en normandMaunche, en corniqueMor Bretannek, en galloisMôr Udd, en néerlandaisHet Kanaal) est une mer épicontinentale[4] de l'océan Atlantique, située dans le nord-ouest de l'Europe et qui s'étend sur une superficie d'environ 75 000 km2 et sépare la France du Royaume-Uni ; longue d'environ 530 km, large de 176 km à son extrémité ouest, de 41 km à son extrémité est et profonde de 180 m en son point le plus profond[5] avec une valeur moyenne de 54 mètres[6]. L'extrémité orientale de la Manche constitue le pas de Calais, l'une des zones maritimes les plus fréquentées du globe. L'eau de cette zone est très turbide, tout en restant oxygénée.
Le bras de mer qui sépare la Grande-Bretagne de l'Europe continentale aurait été nommé Manche britannique par métaphore avec le nom commun manche qui désigne la pièce de vêtement dans laquelle s'enfile le bras. Bien qu'en 1768, Antoine-Augustin Bruzen de La Martinière répertorie dans son grand dictionnaire géographique, historique, et critique, plus de quinze Manche, l'usage va tout au long des siècles suivants restreindre le mot à la simple dénomination de la Manche britannique, les autres bras de mer étant appelés détroit ou canal selon leur taille[20].
Géographie
Vue des falaises de Douvres de la côte de France.Nez de Jobourg, où affleurent les plus vieilles roches de France.
La Manche appartient au plateau continental du Nord-Ouest de l'Europe. Formant un bassin sédimentaire, les fonds constituent une plaine sédimentaire faiblement incliné vers l'Ouest. Sa couverturemésozoïque et cénozoïque est affectée par d'importantes fractures qui s'ordonnent suivant trois directions principales, N 130° en Manche orientale, N 90° en Manche centrale, N 70° en Manche occidentale où les failles forment un étroit faisceau dénommé accident Aurigny-Ouessant[21].
L'origine géologique de cette « mer-fleuve » épicontinentale est encore mal comprise. Les données géophysiques récentes acquises grâce aux sondeurs multifaisceaux et aux données de réflexions sismiques de haute résolution ont permis de constituer des relevés de plus en plus détaillés des fonds (par le SHOM en France). On commence à mieux comprendre la nature sédimentaire des fosses, dont la fosse centrale de la Manche, qui pourrait avoir une origine tectonique et/ou avoir été creusée par le « fleuve Manche » durant les dernières phases glaciaires[22].
Deux hypothèses sont avancées pour expliquer la formation de la mer il y a près de 500 000 ans lors d'un optimum glaciaire : l'une met en jeu un processus purement hydraulique avec la formation d’une immense vallée fluviatile par érosion progressive des falaises crayeuses. L'autre suppose l'existence d'un lac proglaciaire créé dans le sud de la mer du Nord, et qui a commencé à déborder lors de la période interglaciaire qui a suivi, passant au-dessus de la crête rocheuse (entre Douvres et Calais), créant une chute d’eau d’environ 32 kilomètres de long, quelques kilomètres de large et 100 mètres de haut, et se déversant dans la vallée steppique en dessous[23].
Les courants s'orientent globalement vers l'est en marée montante, et vers l'ouest après la « renverse des courants » à marée descendante, mais le bilan entre les deux mouvements contraires montre toutefois un différentiel en faveur d'un lent mouvement de la masse d'eau vers le nord[27]. Il faut de 110 à 152 jours pour que les eaux aillent de La Hague au pas de Calais[28]. Le raz Blanchard est le plus fort courant de marée de la Manche. La baie du Mont-Saint-Michel présente un marnage de 15 mètres[29].
Plusieurs sujets d'étude préoccupent conjointement les chercheurs, parmi lesquels :
l'eutrophisation générale de la Manche et de la mer du Nord (où l'on tente de modéliser l'impact des arrivées de nutriments d'origine humaine (engrais, eaux mal épurées, inondations, érosion des sols…) via le modèle ECOHAM1[30], qui est un modèle 3D intégrant des paramétrages physiques, chimiques et biologiques et le forçage par les radiations solaires ;
la surpêche et les effets négatifs du chalutage sur les fonds marins ;
un réchauffement général de l'eau (0,2 °C par décennie entre 1980 et 2012, particulièrement à la fin des années 1990 avec l'oscillation atlantique multidécennale) qui fait remonter vers le nord les espèces d'eau froide[31] et qui tend à modifier la composition et la répartition des communautés d'organismes marins[32]. Certains chercheurs anglo-saxons parlent de « tropicalisation » des eaux[33]. Ces évolutions compliquent notamment la gestion des quotas de pêche et les politiques de conservation des zones Natura 2000 ou du parc marin des trois estuaires ;
Dans le cadre d'un projet Interreg IVA et IIIA CHARM, la Manche-Est a fait au début des années 2000 l'objet de cartographies regroupées dans un atlas des habitats de certaines espèces d'intérêt commercial et d'invertébrés (benthiques) caractéristiques d'habitats spécifiques. Cet atlas s'est attaché à aussi cartographier les lieux de vie des poissons selon leur âge, notamment pour les stades jeunes où les poissons sont les plus vulnérables[36]. Les invertébrés qui ont été étudiés ont été :
L'érosion du littoral, que la crise climatique accentue, entraîne vers la mer les déchets d'anciennes décharges[43].
Programmes internationaux
Alors que la France écrivait sa nouvelle stratégie marine et doit notamment définir le « bon état écologique » pour chacune de ses grandes aires marines, plusieurs projets soutenus par l'Union européenne (Programme INTERREG IVA) ont concerné la Manche et l'Arc-Manche, dont :
EMDI (Espace Manche Development Initiative) (2004 -2008) sur le thème de l'espace Manche comme un espace pertinent de coopération à l’échelle européenne, dont comme bassin maritime d’expérimentation de la politique maritime intégrée promue par la Commission européenne ;
PEGASEAS visait à favoriser au sein d'un « Forum de la Manche » une gouvernance franco-anglaise partagée et efficace de l'écosystème Manche-Mer du Nord[44] ;
CAMIS, projet de 4 ans ( – ) qui a rassemblé 19 partenaires français et anglais, et a produit un projet de plan d'action pour une « Stratégie maritime intégrée pour l'espace Manche »[45] (), avec 23 propositions ;
CHANNEL-MOR, projet d'un an, entamé en 2014, financé à 100 % par l'Union européenne, qui a rassemblé des partenaires de 4 transmanche (dont Bretagne), pour développer la collecte de données d'intérêt pour les énergies marines renouvelables (EMR), identifier les coopérations possibles et mieux valoriser les compétences des acteurs concernés[46] et « constituer une « communauté EMR » pérennes en zone Manche »[47].
Utilisation et gestion
Une plate-forme de coopération en matière de gouvernance, Arc Manche, a été mise en place pour faciliter l'analyse des activités et le portage de projets (entre autres, le projet « CAMIS »[48] (Stratégie maritime intégrée de l'espace Manche), piloté par la région Haute-Normandie).
Transport
Par son statut de bras de mer entre l'océan Atlantique et la mer du Nord, la Manche constitue la principale voie maritime entre l'océan Atlantique et l'Europe du Nord. En 2005, presque 20 % du trafic mondial des navires déclarés passe par la Manche. Le cabotage y a diminué, mais pourrait être relancé dans le cadre des « autoroutes maritimes » proposées comme alternative moins polluante au transport routier.
Liaisons maritimes
Des ferrys relient les îles Britanniques à l'Europe continentale depuis le XIXe siècle. Ces liaisons maritimes se font entre l'Angleterre et la France entre les ports suivants :
Depuis le , l'inauguration du tunnel sous la Manche, permet de relier par voie ferroviaire les deux côtés de la Manche, sans interrompre pour autant les liaisons maritimes.
Des dizaines de milliers d'exilés traversent chaque année la Manche dans des embarcations précaires, venant de France et cherchant à rejoindre le littoral de l'Angleterre. Plusieurs dizaines d'entre eux se sont noyés ces dernières années[50],[51].
Dans le détroit, les courants parmi les plus violents au monde entretiennent un écosystème très particulier, parfois comparé à une gigantesque station d'épuration à lit fluidisé, ne pouvant toutefois absorber les excès de nitrates et phosphates que la mer y reçoit, ni les toxiques non biodégradables.
Bien que non spectaculaire, la biodiversité y est significative et sa productivité bien plus encore. C'est une zone importante de frayères et de nourrissage pour les poissons, mais qui subit les impacts d'une pêche ancienne et intensive, et en particulier du chalutage, en sus des pollutions importantes d'origine terrestre ou marine. C'est aussi un très important couloir de migration pour les oiseaux et certains poissons et mammifères marins.
Pêche
La Manche orientale, bien qu'exploitée par un nombre restreint (et en décroissance) de navires de pêche (chalutiers artisans de pêche côtière, bateaux de petite pêche), produit plus de 80 % des produits déclarés par les pays pêchant dans ce secteur, non sans impact écologique et sur la ressource.
Les principales espèces cibles sont la plie, le merlan, la morue et le rougetbarbet qui tend à remonter vers le nord. La culture d'huîtres et de moules y est pratiquée, mais moins intensément qu'en Atlantique. Boulogne-sur-Mer, sur le littoral français, y est le premier port de pêche français en tonnage débarqué, et premier port européen pour le traitement des produits de la mer.
La mobilisation du monde de la pêche contre les éoliennes en mer est forte[52],[53],[54]. Le comité des pêches des Côtes-d'Armor porte plainte contre le projet au large de Saint-Brieuc[55]. Le parc de Barfleur sera plus grand qu'initialement prévu, aussi les pêcheurs de la Manche expriment-ils leur colère[56]. Le 24 septembre 2021, les pêcheurs manifestent au Havre et à Cherbourg contre les éoliennes en mer[57].
Le , Louis Blériot fut le premier à traverser la Manche en avion.
Le , le Britannique Charles Stewart Rolls est l'auteur d'une double traversée de la Manche sans escales, volant ainsi de Douvres à Calais aller-retour en 1 h30, avec un biplan Wright, remportant pour cet exploit une coupe offerte par M. Ruinart[62].
Le , le pilote américain John Moisant parvient à traverser la Manche avec "deux passagers", à savoir Albert Fileux, qui n'est autre que son mécanicien, et mademoiselle Fifi, son chat[63].
1912, l’Américaine Harriet Quimby est la première femme à traverser la Manche sur un Blériot XI, emprunté à Louis Blériot.
Le , l'Espagnol Juan de La Cierva va traverser la Manche avec un autogire, le C.8L-II à moteur Lynx de 240 chevaux, évoluant de l’aérodrome de Croydon à celui du Bourget, son vol au-dessus de la mer aura duré 20 minutes[64].
Le , Yves Rossy traverse la Manche en aile volante.
Le , l'e-Fan, un avion électrique, traverse la Manche[65].
Le film Welcome de Philippe Lioret (2009) raconte les aventures d'un maître-nageur qui décide d'aider un jeune émigrant irakien à atteindre le Royaume-Uni à la nage.
2008 : le , premier vol d’une aile volante par Yves Rossy, dit « Fusion man ».
2010 : le , Philippe Croizon (amputé des 4 membres) traverse la Manche à la nage.
2017 : le 14 juin a lieu la première traversée de la Manche en voiture volante, Vaylon Pégase Mk II.
2019 : le , Franky Zapata traverse la Manche, avec escale, grâce à son prototype « Flyboard Air », un réacteur dorsal.
Notes et références
↑La Manche occidentale est, quant à elle, classiquement divisée en quatre secteurs : les Baies anglaises, la Manche Nord-Occidentale, la Manche armoricaine, le Golfe Normand-Breton.
↑La Manche, Encyclopædia Universalis, La Manche est parfois aussi classée comme mer intracontinentale ; toutefois cette mer est bien connectée à l'océan Atlantique via la mer Celtique ce qui rend sa classification comme mer intracontinentale incertaine.
↑Pierre Duval d'Abbeville, Description de la France et de ses provinces (Pierre Duval d'Abbeville et Nicolas Langlois, Paris, 1658), p. 43 : « La France eſtant comme au beau milieu de la Chreſtienté Elle regarde l’Eſpagne & la Mer Mediterranée vers le Midy : l’Ocean vers le Couchant : la Mer Britannique, vulgairement le Manche, qui la ſepare de l’Angleterre & les Pays-Bas vers le Septemtrion : & vers le Leuant la Lorraine, la Franche-Comté, la Sauoye & l’Italie ».
↑John Renshaw, An Exact Trigonometrical Survey of the British Channel.
↑Voir p. 186-187 de Manche, ouvrage collectif publié aux Éditions Bonneton (ISBN2-8625-3205-3).
↑Carte géologique de la France et de la marge continentale à 1/1 500 000: notice explicative, éditions du BRGM, , p. 93.
↑Comptes rendus de l'Académie des sciences. Série 2. Sciences de la terre et des planètes, 1995, vol. 321, no1, p. 39-46 (25 ref.), (ISSN1251-8050).
↑(en) Sanjeev Gupta, Jenny S. Collier, David Garcia-Moreno, Francesca Oggioni, Alain Trentesaux, Kris Vanneste, Marc De Batist, Thierry Camelbeeck, Graeme Potter, Brigitte Van Vliet-Lanoë & John C. R. Arthur, « Two-stage opening of the Dover Strait and the origin of island Britain », Nature Communications, vol. 8, no 15101, (DOI10.1038/ncomms15101).
↑Chantal Bonnot-Courtois, Bruno Caline, Alain L'Homer, Monique Le Vot, La Baie du Mont-Saint-Michel et l’estuaire de la Rance - Environnements sédimentaires, aménagements et évolution récente, Elf Exploration (Éditions), , p. 12.
↑ECOHAM1; ECOlogical North Sea Model, HAMburg, Version 1; Moll, 1998, http://www.ifm.unihamburg. de/~moll. À propos du modèle ECOlogical North Sea Model (Ecoham).
↑Ainsi, depuis 1998, des poissons comme le dragonnet (Callionymus lyra) et la plie (Limanda limanda) se font plus rares alors que le rouget remonte vers le nord - Auber A., Gohin F., Goascoz N. and Schlaich, I. (2017). Decline of cold-water fish species in the Bay of Somme (English Channel, France) in response to ocean warming. Estuarine, Coastal and Shelf Science, 189: 189-202 DOI: 10.1016/j.ecss.2017.03.010 | résumé.
↑Cheung W.W.L, Watson R & Pauly D (2013) Signature of ocean warming in global fisheries catch. Nature, 497: 365–368. Note : entre 1980 et 2012, les prises de 49 types de poissons courants ont été suivies, afin d'évaluer les conséquences du réchauffement des eaux. Entre 1998 et 2003, les communautés de poissons ont changé : les espèces typiques d'eaux à 11 °C sont devenues moins stables, et ont laissé la place à des espèces typiques d'une eau à 12,2 °C.
↑Letortu, P., Costa, S., Cantat, O., & Planchon, O. (2016). Conditions météo-marines responsables des inondations par la mer en Manche orientale française. La Houille Blanche, (2), 41-46|résumé.
↑Carpentier, A., Vaz, S., Martin, C. S., Coppin, F., Dauvin, J.- C., Desroy, N., Dewarumez, J.- M., Eastwood, P. D., Ernande, B., Harrop, S., Kemp, Z., Koubbi, P., Leader-Williams, N., Lefèbvre, A., Lemoine, M., Loots, C., Meaden, G. J., Ryan, N., Walkey, M., 2005. Eastern Channel Habitat Atlas for Marine Resource Management (CHARM), Atlas des Habitats des Ressources Marines de la Manche Orientale, INTERREG IIIA, 225 pp. Il est possible de télécharger ce document franco-anglais de 226 pages illustrées (assez lourd).
↑[CAMIS (interreg IV) qui souhaite notamment développer des outils pour une gouvernance maritime et un atlas électronique. Voir : Présentation du projet CAMIS.
↑Vincent Geisser, « La Manche, nouvelle nécropole des migrants et de nos idéaux européens, mais qui sont les fossoyeurs ? », Migrations Societe, vol. 186, no 4, , p. 3–10 (ISSN0995-7367, lire en ligne, consulté le ).
↑Alain Ernoult, « On a traversé la Manche en voiture. », Paris-Match, , p. 80-83 (ISSN0397-1635, lire en ligne).
Bibliographie
Claude Larsonneur, Robert Horn, Jean Paul Auffret, Pierre Hommeril and Andre Moal, « Géologie de la Partie Meridionale de la Manche Centrale », Philosophical Transactions of the Royal Society of London. Series A, Mathematical and Physical Sciences, Vol. 279, No. 1288, A Discussion on the Geology of the English Channel (Jul. 24, 1975), p. 145-153 (29 pages) ; extrait.
Carpentier A, Martin CS, Vaz S (Eds.), Channel Habitat Atlas for marine Resource Management, final report / Atlas des habitats des ressources marines de la Manche orientale, rapport final (CHARM phase II). INTERREG 3a Programme, IFREMER, Boulogne-sur-mer, France, 2009
Charles Joseph Dumas-Vence, Notice sur les ports de la Manche et de la mer du Nord, Revue maritime et coloniale, Ministère de la Marine et des Colonies, 1869 et 1886;
Charles Joseph Dumas-Vence, Atlas des cartes, plans et vues. Notice sur les côtes de la Manche et de la mer du Nord, Revue maritime et coloniale, Ministère de la Marine et des Colonies, 1876.